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Se conduire en motard responsable
Article mis en ligne le 16 novembre 2019
dernière modification le 21 novembre 2019

par Piwi

Voici un article de Passion Moto très bien écrit qui explique clairement ce à quoi je crois fermement et que j’essaie d’inculquer aux élèves et stagiaires.

Introduction

« Être prudent, ça ne veut pas dire être peureux et rouler à l’arrêt, mais simplement prévoir ce qu’il peut se passer. (…) Sur la route, tu n’es pas le roi du monde.  »
C’est un propos de Denis Bouan, neuf fois vainqueur du Dark Dog Moto Tour, dans un article du hors-série « Pilotage sur route » du magazine Motos&Motards en 2014.

A mes yeux, il ne sert à rien de dire à un(e) motard(e) : «  Sois prudent(e) !  »
Il n’a pas besoin qu’on le lui dise pour l’être. Et si ce n’est pas le cas, le lui dire ne changera rien. Cela sert juste à déculpabiliser la personne qui donne le conseil. A partir du moment où il est au guidon, le motard est seul responsable de ses choix.

J’emploie d’ailleurs rarement le terme de motard « prudent », je lui préfère celui de motard « responsable ».

Parce qu’il est très difficile de se montrer vraiment prudent à moto. La notion de danger fait partie intégrante de la conduite moto. Si on n’accepte pas ce danger, si on veut véritablement faire preuve de la plus grande prudence… il vaut mieux abandonner la moto.

Lire La notion de risque à moto et Pourquoi faire de la moto ?

J’essaie de ne pas (trop) donner de leçons et de me montrer réaliste : il m’arrive de commettre des infractions, il m’arrive de prendre des risques lors de mes trajets à moto, je ne prétends pas être un parangon de vertu, je ne me présente pas comme le plus prudent des motards.
Par contre, j’essaie de me conduire en motard responsable.

Je pense pouvoir me définir comme une personne avec le sens des responsabilités, y compris en tant qu’usager de la route.
Responsabilité envers moi-même et ma moto, dont je dois prendre soin ; envers mes proches, mon entourage, ma famille, mes amis, mais aussi mes stagiaires et clients, qui ont tous besoin de moi et de préférence en bon état de marche ; envers les autres usagers, qui n’ont pas à subir les conséquences de mes actes et décisions, qui ne sont pas comptables de mon choix de rouler à moto et d’entreprendre telle ou telle manoeuvre…

Dans de nombreux articles sur ce site, j’explique comment conduire de façon plus sûre, plus « efficace ».
Voir toute la rubrique Mieux conduire.

Dans d’autres articles, j’explique comment devenir un « meilleur » motard de façon générale.
Lire Devenir un meilleur motard et Se conduire en “vrai pilote”.

Dans cet article, je voudrais aborder POURQUOI devenir un meilleur motard, un motard responsable.

Débat responsabilité vs liberté

Le débat oppose deux notions tout aussi importantes l’une que l’autre :

  • la responsabilité individuelle d’un côté,
  • la liberté individuelle de l’autre.

Ce n’est pas une question de bien et de mal.
Soyons clairs : ce n’est pas blanc ou noir, il n’est pas question de choisir l’une contre l’autre.
Pour moi, c’est un peu la même chose que les notions de Loi et de Chaos dans l’oeuvre médiévale-fantastique de Michael Moorcock, elles-mêmes inspirées du zoroastrisme.

Le Chaos représente à la fois l’anarchie et le désordre, mais aussi l’attachement aux libertés individuelles et le bouillonnement créateur ; tandis que la Loi symbolise l’ordre et la justice, mais également l’immobilisme et la conformité.
Le symbole du Chaos représente huit flèches orientées dans toutes les directions. Le symbole de la Loi représente une flèche unique.

Aucun de ces principes ne doit prendre le dessus sur l’autre : un monde entièrement soumis au Chaos serait un magma bouillonnant, multicolore, en perpétuelle évolution ; un monde entièrement soumis à la Loi serait un bloc de pierre grise, désertique, stérile.
Dans les deux cas, toute vie est impossible.
La vie n’est possible que dans l’équilibre entre les deux principes.

Concernant la conduite moto, cette tension peut être ramenée à une recherche d’équilibre entre sécurité et plaisir.

La recherche systématique de la sécurité à moto, telle qu’elle est parfois menée de nos jours, se rapproche du fameux « principe de précaution ».
Le problème est qu’elle contient une contradiction interne, puisque ce mode de transport représente intrinsèquement un risque.
La moto est une activité à risque, à nous de l’assumer et de réduire le risque au minimum, tout en préservant notre plaisir.

Après tout, chacun n’est-il pas responsable de son intégrité physique ?
Pourquoi devrions-nous diminuer notre confort, notre plaisir, notre intérêt personnel et immédiat, au nom du respect de notre propre sécurité et de celle des autres ?

Car en cas d’accident, le premier impacté sera le motard qui aura privilégié son confort sur la sécurité. Il sera le premier responsable et le premier concerné.
Certes… mais sera-t-il le seul ?

L’argument qui tend à faire croire que l’on peut s’adonner en toute sécurité à la vitesse de façon isolée n’est valable qu’en milieu protégé, c’est-à-dire sur circuit.
Nous partageons la route avec tous ses usagers.
Au-delà des risques qu’il encourt pour lui-même, le motard évalue souvent mal ceux qu’il peut faire courir aux autres.

Et surtout, les tenants de la liberté individuelle oublient (ou minorent) les conséquences des risques pris.

Un accident coûte de l’argent à la collectivité. Les secours sur place, les soins, une hospitalisation prolongée, la rééducation… ça coûte cher, très cher : tous les personnels des services de santé pourront en témoigner.

Les conséquences d’un accident vont forcément coûter au contribuable, c’est-à-dire à nous tous (enfin presque).
Sans compter le temps perdu par les secours qui auraient peut-être pu être utiles sur un autre sinistre.

Nous vivons tous dans une société organisée.

Chacun de nous est un citoyen qui représente à la fois un capital et un investissement pour la société, notre pays et notre nation. La nation a financé notre éducation, payé pour nos études et attend en retour une production, un travail, des cotisations, des impôts, des enfants pour renouveler le cycle.

Un motard qui meurt, c’est un électeur, un contribuable, un salarié, un parent qui disparaît.
Cela représente à la fois une perte sèche pour la société, mais aussi un manque à gagner.

Au final, les positions s’échelonnent tout au long du spectre entre les deux extrêmes :

  • d’un côté, les tenants de la liberté individuelle totale (à l’américaine) ;
  • de l’autre, les partisans du tout sécuritaire.

Beaucoup modulent leur opinion selon le sujet, sont plus sécuritaires sur tel point, plus libertaires sur un autre. Pour une même personne, cela peut même varier dans le temps. Chacun voit midi à sa porte en fonction de son expérience ou de ses souhaits personnels…
Comme il n’est pas possible d’atteindre le risque zéro, y a pas de règle, de barème, d’échelle, d’évaluation exhaustive.

Qu’est-ce qu’une conduite responsable ?

Pour ma part, j’ai choisi de privilégier une conduite « responsable » car pragmatique, fondée sur l’anticipation et l’adaptation aux conditions de circulation.

Je suis intimement convaincu que le secret de la longévité à moto, c’est de savoir éviter les problèmes.

Cette approche repose sur trois piliers, qui comprennent chacun une série de savoirs (connaissances théoriques), de savoir-faire (compétences pratiques) et de savoir-être (comportements).

  1. Premièrement, éviter ou réduire les conséquences physiques d’une éventuelle chute (avec ou sans choc, préalable ou ultérieur), en portant en permanence un équipement de protection le plus complet possible.
  2. Deuxièmement, éviter l’impact ou le l’impact en cas de choc, en sachant réaliser un évitement et/ou un freinage appuyé, à n’importe quelle vitesse, quelles que soient les conditions. Dans ce domaine, rien ne remplace l’entraînement et les stages de perfectionnement.
  3. Troisièmement, et c’est le plus important, apprendre à éviter les situations d’urgence. La vraie sécurité, c’est de savoir éviter totalement l’accident. Et là, pas de mystère, c’est l’expérience qui joue.

Avec le temps et les kilomètres, on apprend à savoir où et quoi regarder, à repérer les situations qui peuvent poser problème. Il y a les petits indices qui nous signalent que, là-bas devant, se présente un risque, même si on ne le voit pas encore. Au bout d’un moment, cela confine à une sorte de sixième sens. Et on sait prendre de suite les mesures pour réduire le risque, en général ralentir tout simplement, augmenter les distances de sécurité, poser les doigts sur le frein, tomber un rapport…

Sur le papier, je pense que chacun comprend le bénéfice de cette approche, voire la partage.
Pourtant, dans la réalité, elle rencontre souvent des résistances de la part de nombreux motards.

Pourquoi une conduite à risques ?

Un point fondamental : il faut bien comprendre et admettre que la sécurité représente toujours une contrainte.

Quel que soit le domaine, dans l’industrie, le transport aérien, l’informatique, le nucléaire, la circulation routière… la sécurité entraîne toujours des contraintes et souvent une perte de temps.

La sécurité, ce sont des consignes à suivre, des procédures à respecter, des précautions à prendre. Cela suppose forcément de ne pas faire comme on veut, quand on veut, où on veut…
La sécurité, c’est de la contrainte, donc de la frustration, donc un moindre plaisir, donc une perte de liberté perçue.

Tout ça pour diminuer ou éviter un risque qui n’a de toute façon que de chances de se réaliser.
La sécurité, c’est toujours une contrainte qui semble inutile.
Jusqu’au jour où…

La sécurité, c’est justement « au cas où ».

Mon site étant consacré à la conduite de sécurité sur route, il paraît évident que je parle bien ici des motards de route, ceux qui roulent sur route ouverte.
Mon propos ne concerne pas (ou pas directement) les pilotes pro, les sportifs licenciés FFM à l’année, les enduristes et crossmen, les pratiquants du rallye routier, les adeptes du trial ou du moto-ball, les stunteurs, les pilotes de gymkhana, etc.

Hormis une petite proportion de motards « professionnels », qui utilisent la moto comme outil de travail sur la route (policiers, gendarmes, douaniers, moto-taxis, coursiers-livreurs, moniteurs moto, guideurs de convois exceptionnels…), les motards routiers sont pour la plupart des « amateurs ».

Le mot « amateur » en français possède un triple sens :

  1. Au premier sens du terme, c’est quelqu’un qui aime quelque chose, une personne qui a du goût pour quelque chose, l’apprécie, le recherche et en possède une certaine connaissance.
  2. C’est aussi quelqu’un qui pratique une activité pour son plaisir, et non pour gagner sa vie (par opposition au professionnel).
  3. Et par dérivation, c’est enfin une personne peu compétente dans un domaine.

Ces trois définitions correspondent bien à la pratique de la moto par loisir, qui caractérise l’essentiel des motards de route, qu’ils soient « motards du dimanche », « utilitaires » (trajets du quotidien, navettage), « JJA » (juin-juillet-août) ou « roule-toujours » :

  • Ils aiment la moto et se disent souvent « passionnés ».
  • La moto est pour eux une activité de loisir, de détente.
  • Et ils font preuve d’une maîtrise technique limitée.

Sur le premier point, pas vraiment de différence avec les pros : tous les motards aiment la moto, sinon ils utiliseraient autre chose.
Même quand le véhicule moto est un outil de travail, le motard pro a choisi son métier par amour de la bécane.

Sur le troisième point, la différence ne saute pas toujours aux yeux.
On voit parfois certains pros qui ne brillent pas par leur science du guidon.

La vraie différence se joue sur le deuxième point : un motard pro est payé pour faire son boulot, il roule parfois sur une moto qui ne lui appartient pas mais lui est fournie pour mener à bien sa mission, pour faire son métier.

Le fondement de son statut de professionnel est que la moto constitue son outil de travail : elle est un moyen, et non une fin en soi.
Il ne roule pas pour le plaisir de rouler, mais parce qu’il a une tâche à accomplir.

Je me souviens d’une discussion avec un instructeur de police moto qui me disait que (selon lui), la conduite professionnelle consiste à savoir toujours rouler le plus vite possible.
Je suis profondément en désaccord avec cette opinion.

La conduite pro, c’est de toujours rester à même de mener à bien la mission pour laquelle on est payé (que ce soit par un patron ou par les contribuables) et qui est assignée par nos supérieurs ou clients.

Se conduire en professionnel de la moto, ce n’est pas seulement une question de maîtrise technique de la conduite d’urgence, ce n’est pas seulement oser rouler vite en conditions difficiles… C’est mettre sa sécurité et celle de sa machine en priorité principale, afin de rester en capacité de remplir sa mission.

Un motocycliste rapide, mais mort ou blessé ou avec une moto incapable de rouler (car accidentée ou en panne), est un motocycliste inutile !

La différence fondamentale entre un motard « pro » et un motard « amateur » réside dans l’attitude, dans l’approche de la pratique moto.

Une très grande partie des motards roulent « pour le plaisir », pour se faire plaisir.

Pour le motard amateur, la moto est un loisir, c’est-à-dire une activité que l’on effectue pendant son temps libre, hors travail et hors obligations de la vie courante. Le loisir, c’est d’employer son temps à son gré, à faire ce que l’on veut, et de préférence comme on veut, en prenant son temps.

Dans le cadre du loisir motard, la moto devient une fin en soi.
On roule pour le plaisir, quel qu’il soit. Certains trouvent leur plaisir à moto en roulant vite, d’autres en accélérant fort, ou en faisant du bruit, ou en voyageant, en roulant en couple ou en groupe de pairs, en s’épargnant les peines des embouteillages et du stationnement…
Le plaisir à moto peut revêtir de nombreuses formes.

Ce qui ne change pas, c’est que le motard amateur recherche avant tout son plaisir.
Du coup, tout ce qui va le gêner, l’empêcher de rouler comme il veut, comme il en a envie, va être perçu comme contraire à ses valeurs, à sa vision de la pratique moto.

La moto, perçue comme un outil de liberté, devient un symbole de liberté.
Du coup, la majorité des motards amateurs refuse la contrainte.
Dans la mesure où beaucoup de motards amateurs roulent à moto pour se « vider la tête », ils refusent de se « prendre la tête » avec des procédures de sécurité.

Comparaison avec d’autres activités

La moto de route et de loisir est une activité :

  • pratiquée en extérieur, dans un environnement précis (pas n’importe où) ;
  • plutôt physique, mais qui ne réclame pas forcément une condition physique de haut niveau ;
  • qui utilise des matériels, des équipements, des accessoires (pas juste notre corps, comme la course, par exemple) ;
  • qui génère des sensations, parfois fortes ;
  • qui s’apprend, avec une formation indispensable voire obligatoire, dispensée par un moniteur / instructeur et formalisée par des brevets, des diplômes ;
  • qui met en jeu un certain degré de dangerosité physique, pouvant aller jusqu’à des blessures graves, voire mortelles ;
  • qui est encadrée par des règles, des procédures à respecter (qui peuvent être violées, enfreintes).

On peut tout à fait comparer la moto à d’autres activités à caractère sportif : parachutisme, plongée sous-marine, ski, escalade, spéléologie…

Il ne viendrait à l’idée d’aucun pratiquant de ces disciplines (qui relèvent du loisir autant que du sport) de remettre en cause les consignes de sécurité.
Quand on est en chute libre à 1.000 mètres d’altitude ou en plongée à 30 mètres de profondeur, on sait que la moindre erreur ne pardonne pas.
Mais à moto, on se dit que ça va passer…

Il ne viendrait à l’idée d’aucun pratiquant de ces disciplines de ne pas revêtir une tenue adaptée ou de ne pas utiliser les instruments, les appareils, les équipements adéquats.
Alors qu’on voit régulièrement des motards rouler sans casque, sans gants, sans protection dorsale, en t-shirt, en sandales… et/ou sur des machines mal entretenues, avec des pneus sous-gonflés, avec des suspensions mal réglées ou usées.

Il ne viendrait à l’idée d’aucun pratiquant de ces disciplines de les exercer en étant sous l’empire de substances psychotropes, en n’étant pas au mieux de sa forme, de ses performances physiques et mentales.
Alors qu’on voit souvent des motards alcoolisés, ivres, shootés… et que la fatigue n’empêche pas beaucoup de motard de prendre le guidon pour rentrer chez eux.

Il ne viendrait à l’idée d’aucun pratiquant de ces disciplines de commencer (ou de recommencer après une période d’arrêt de pratique) seul, par soi-même, sans encadrement, sans formation.

Il ne viendrait à l’idée d’aucune pratiquant de ces disciplines à risque en extérieur de ne pas observer et analyser l’environnement, afin d’y adapter sa pratique.
En para, on ne saute pas par temps d’orage ou même de pluie ou de nuit, du moins on évite (à part les pros qui le font par nécessité opérationnelle).
En plongée, on ne plonge pas quand la mer est trouble, quand il n’y a pas de visibilité (à part les nageurs de combat).
En ski, on ne va pas en hors-piste sans un guide pro, on ne descend pas là où on sait qu’il y a des risques d’avalanche…

Pourquoi ces différences de comportement ?
En bonne partie parce que les pratiquants de ces différentes disciplines sportives conviennent que la sécurité permet de pratiquer correctement et donc amène le plaisir.

Quand tu es au fond de l’eau ou que tu sautes d’un avion en parfait état de marche, tu sais que ta vie (et celle de tes camarades) dépend du respect des consignes de sécurité.
Tu sais que le pied que tu vas prendre à plonger ou à sauter dépend du respect des procédures.
Tu acceptes de te plier à ces procédures parce que tu sais qu’en échange, ça va être le gros panard pendant quelques secondes ou quelques minutes.
Et cela ne pose aucun problème !

Parce que tous les pratiquants connaissent les consignes de sécurité.
Parce qu’ils ont tous été formés à les respecter.
Parce que l’essentiel du travail de formation initiale par un moniteur breveté consiste avant tout à inculquer le respect des procédures de sécurité. La notion de performance vient ensuite, plus tard.
En parachutisme ou en plongée, les examens de passage de brevets portent principalement sur la connaissance et la mise en pratique des consignes de sécurité.

Pour toutes ces activités, le pratiquant en club n’a pas le choix et doit se plier aux règles, sous peine d’exclusion, parce qu’il met en jeu sa vie et la vie des autres pratiquants.

Par contre, dans le cadre d’une pratique personnelle, en amateur, par loisir, chacun est libre de faire comme il veut.

Et d’ailleurs, on a tous les ans des exemples d’accidents de plongée, de para, de spéléo, parce qu’un pratiquant a décidé de faire n’importe quoi.
Ce peut être par bravade, par négligence, à cause de l’alcool…

En tant qu’individu, chaque pratiquant peut choisir de suivre les procédures de sécurité ou non.
A moins d’être suicidaire, comme on sait qu’on va le payer vite et cher, on fait le choix de respecter les règles.

Pourquoi est-ce différent pour la moto ?

Alors que ces activités sont comparables, la réalité vécue est toute autre dans le monde moto.
La culture de sécurité y est quasiment absente.
Pire encore, pour nombre de motards, la chute, l’accident, la blessure sont perçus comme relevant du vécu « normal » du motard. Un dicton motard ne dit-il pas qu’on n’est pas un « vrai » motard tant qu’on n’est pas tombé ?

Sans doute parce que beaucoup de motards ne perçoivent pas la route comme un environnement hostile.

On fait moins attention, parce qu’une erreur peut pardonner, parce qu’on a souvent de la chance, parce qu’on rattrape, parce qu’il n’y avait pas de voiture en face…
Et même quand on se rate, on se dit que « si ça passait, c’était beau » !

Parce que la sécurité à moto est souvent perçue comme « pas cool », alors que beaucoup de motards recherchent avant tout du « fun ».

Peut-être aussi parce que beaucoup de motards sur-estiment leurs capacités.

Pour nombre d’entre eux, surtout les hommes, leur moto donne une image d’eux-mêmes. Pour un homo motardus de sexe masculin, c’est très souvent un attribut de virilité. Pour eux, leur façon de conduire se doit de refléter cette virilité voulue, supposée. Elle va se fonder sur des critères de performance, de sensations fortes, voire de recherche de risque.

A cause de la culture française très scolaire, fondée sur le mythe du diplôme.

Pour bien des motards, le permis de conduire, autorisation administrative de circuler, suffit.
En français, le même mot « pouvoir » signifie à la fois « avoir le droit » et « avoir la capacité ». Alors que la langue allemande, par exemple, fait la différence entre ces deux sens, avec « können » et « dürfen ».

Pour la plupart des motards amateurs, le permis de conduire moto, obtenu à 18, 20 ou 25 ans, après quelques heures de cours, un examen pratique sur un parcours technique appris par coeur, et une épreuve en circulation de 15 à 20 minutes qui relève de la formalité… suffit à faire de vous un motard présumé compétent, jusqu’à la fin de votre carrière motarde (qui peut s’achever à 50-60 ans, mais de plus en plus à 70 ou 80 ans, voire plus).
Et ce, même si vous avez arrêté de rouler à moto pendant des mois, des années, des décennies…

Combien de fois ai-je lu ou entendu des motards affirmer : « je conduis bien, la preuve, j’ai 20 / 30 / 40 ans de permis moto » ?
Bien sûr, ils « oublient » de préciser qu’ils ont cessé de rouler pendant 5, 10, 20 ans…
Evidemment, ils ne mentionnent pas que, pendant ces longues décennies de détention du permis moto, ils ont parcouru moins de 100.000 km, voire moins de 50.000.
Ils ne se rappellent pas toujours qu’à l’époque où ils ont passé le permis, la formation initiale était réduite (avant la fin des années 1980), voire symbolique (avant 1973) et qu’ils ont dû apprendre (parfois mal) sur le tas.
Ils ne se rappellent pas toujours de toutes leurs chutes, des accidents qu’ils ont subi ou auxquels ils ont assisté, des copains partis trop tôt.

Combien de fois, dans mon activité pro, ai-je vu des motards « expérimentés » faire preuve d’un manque confondant de maîtrise technique ?
Je garde toujours en mémoire le propos d’un stagiaire qui disait : « je pensais avoir 20 ans de moto, je m’aperçois que j’ai le niveau de 20 fois un an de moto. »

Combien de fois ai-je entendu mes stagiaires m’expliquer que, quand ils ont parlé autour d’eux (à des motards comme à des non-motards) de leur volonté d’aller suivre un stage de perfectionnement moto, ils se sont vus répondre toujours la même phrase : « Ben pourquoi ? Tu as déjà le permis ! »

Résultat ?

Dans la culture motarde, la notion même de conduite de sécurité se trouve souvent dépréciée, rejetée.
Les équipements de sécurité sont dénigrés, que ce soit l’ABS, les assistances à la conduite (sur les « sportives ») ou le simple port du casque intégral dans le monde du custom.

Les comportements transgressifs sont valorisés et leurs conséquences, niées ou minimisées.
Combien de motards rigolent à la lecture des célèbres planches de la bande dessinée du Joe Bar Team, dont les personnages accumulent les gamelles (avec de fréquents séjours à l’hôpital, mais toujours sans handicap grave, ni issue fatale), sans percevoir que l’auteur Bar2 a voulu faire rire de tout ce qu’il ne fallait pas faire ?

La moto et la culture de sécurité

La sécurité, c’est une culture.
Certains l’ont, d’autres pas. Dans tous les cas, c’est de l’acquis, pas de l’inné. Ceux qui la possèdent l’ont apprise.

Là encore, je me souviens en avoir discuté avec un stagiaire qui travaillait dans le domaine du nucléaire et qui m’expliquait à quel point la culture de sécurité y est présente, avec l’obligation de formation permanente, tout au long de la carrière.
Lui appliquait « naturellement » la même démarche à sa pratique moto.
Mais plein d’autres motards qui travaillent dans des domaines professionnels avec une forte culture de sécurité n’adoptent pas la même démarche pour leur pratique motarde de loisir.

Même pour un motard amateur, il est possible de faire preuve d’une approche « pro » de la moto.
Lire Se conduire en “vrai pilote”.
Mais ne rêvons pas, très peu en font l’effort !

Changer d’attitude suppose de se remettre en question, ce que très peu d’êtres humains acceptent et parviennent à faire, surtout quand il s’agit de motards qui existent à travers la moto et veulent donner / garder une image d’eux-mêmes virile / jeune.

Très peu de motards (mais de plus en plus, quand même) admettent ou arrivent à comprendre qu’acquérir une bonne maîtrise technique, de l’aisance, afin de l’appliquer à une conduite fondée sur la sécurité n’enlève rien au plaisir de pratiquer la moto.

Au contraire !
Bien mise en pratique, acquise et maîtrisée au point de devenir un automatisme, la conduite de sécurité augmente le plaisir de conduite.

Toute la difficulté est d’accepter d’en passer par la phase d’apprentissage, d’acquisition, d’assimilation.
Ce qui suppose déjà, au départ, une prise de conscience, l’acceptation que l’on n’est pas toujours « au top », du moins pas autant que souhaité.
Puis développer la motivation pour accepter de consacrer du temps (éventuellement de l’argent) à se perfectionner, au lieu d’aller se balader.
Enfin, trouver la détermination nécessaire pour sortir de sa « zone de confort », faire des efforts, parfois risquer de faire tomber sa machine…

Au final, ce n’est qu’une question de priorité, donc de motivation.


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